Céder ses titres avant de donner à ses enfants entraîne une double imposition : sur de la plus-value de cession et sur la donation.
I. Présentation fiscale des opérations
Donner ses titres à ses enfants avant de les céder entraîne une seule imposition : sur la donation. En effet, la donation avant cession permet normalement de purger la plus-value de cession dans la mesure où le prix de cession correspond à la valeur des titres donnés.
De façon générale, la donation avant cession est admise par l’administration fiscale à condition que :
- la donation des titres soit antérieure à la cession à titre onéreux des titres ;
- le donataire cédant soit le véritable bénéficiaire du prix de cession des titres ;
- l’opération ne constitue pas un abus de droit.
II. L’Arrêt du 25 octobre 2018
A. Les faits
Un protocole d’accord du 25 janvier 2011 prévoyait le transfert des actions détenues dans la société SA JCGM au profit de la société FINANCIERE 5A.
Par acte sous seing privé du 14 février 2011, Monsieur A a procédé à la donation de 2 622 actions détenues dans la SA JCGM au profit de ses trois enfants. La donation des 2 622 actions a été enregistrée au SIE le 14 mars 2011.
Le 1er mars 2011, Monsieur A a cédé 8 724 actions détenues dans la société SA JCGM au profit de la société FINANCIERE 5A, puis a déclaré sa plus-value.
Les enfants ont cédé ou apporté les 2 622 actions, reçues par voie de donation, au profit de la société FINANCIERE 5A.
L’administration fiscale a estimé que les 2 622 actions reçues par ses trois enfants avaient, en réalité, fait l’objet d’une cession à la société FINANCIERE SA antérieurement à la donation.
En conséquence, l’administration fiscale a imposé entre les mains de Monsieur A, la plus-value de cession des 2 622 actions.
B. La position de l’administration fiscale
Globalement, l’administration fiscale a considéré que :
- les conditions suspensives prévues dans le protocole de cession des actions s’étaient réalisées au plus tard le 7 février 2011 de telle sorte que la vente des titres était parfaite antérieurement à la donation des 2 622 actions du 14 février 2011.
- La donation était inopposable à l’administration antérieurement à son enregistrement du 14 mars 2011.
C. La position des juges
Par un jugement du 31 mai 2017, le Tribunal administratif de PARIS a rejeté la demande de Monsieur A qui demandait le décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales.
La Cour administrative d’appel de Paris (Arrêt de la CAA de Paris du 25 octobre 2018, n°17PA02703) a annulé le jugement en considérant que :
- Par dérogation à l’article1583 du code civil, la date du transfert de propriété des titres d’une société cédés à titre onéreux est celle à laquelle les valeurs mobilières en cause sont inscrites au compte de l’acheteur et non celle à laquelle intervient un accord sur la chose et sur le prix.
- De jurisprudence constante, les valeurs mobilières peuvent faire l’objet d’un don manuel. La preuve de l’existence ou de l’absence de don manuel échappe au formalisme de l’article 931 du code civil et peut ainsi être apportée par tous moyens.
Au cas particulier, le registre des mouvements de titres de la société JCGM, qui faisait apparaître la transmission à titre gratuit le 12 février 2011, et l’acte de donation du 14 février 2011, suffisaient à démontrer qu’une donation a été consentie et acceptée par les enfants antérieurement à la cession du 1er mars 2011.
III. Conclusion
Comme en l’espèce, la donation des titres aux enfants peut intervenir alors que le processus de cession des titres est déjà engagé par le donateur.
Dès lors, il est tentant pour l’administration fiscale de remettre en cause la chronologie des opérations.
Pour autant, certaines règles sont opposables s’agissant de la cession :
- d’actions : le transfert de propriété des actions s’opère par leur inscription au compte du cessionnaire. La vente ne peut être formée avant cette date (article L228-1 du Code de commerce).
- De parts sociales : le caractère non définitif de la vente eu égard aux termes convenus dans les avant-contrats (prix non définitivement arrêté, conditions suspensives).
Marc TEGNÉR, Avocat
Bernard RINEAU, Avocat Associé