ATTENTION : toute promesse de vente qui ne contiendrait pas un prix déterminé ou déterminable est susceptible d’être frappée de nullité.
La Cour de cassation vient rappeler, dans un arrêt du 21 septembre 2022 (publié au Bulletin), qu’une promesse de cession d’actions est nulle si le prix de cession n’est pas déterminé ou déterminable.
Si l’exigence d’un prix déterminé ou déterminable pour la validité d’une promesse de vente se trouve dans le code civil, l’intérêt de cet arrêt de la Cour de cassation est de préciser ce qu’il faut entendre par « prix déterminable ».
Dans l’affaire jugée, la promesse de cession ne prévoyait essentiellement que le plafonnement du prix de cession dans certaines hypothèses, mais pas à proprement parler une méthode qui aurait permis de le calculer précisément.
La problématique de la détermination du prix dans une promesse de cession d’actions ou de parts sociales est des plus pratiques et des plus importantes, comme l’illustre l’arrêt précité, et mérite quelques éclaircissements, à peine de risquer de perdre toute efficacité de la promesse pour cause de nullité.
Les promesses de cession de droits sociaux sont des mécanismes très utiles, généralement contenues dans les pactes d’associés, elles permettent d’anticiper les causes et les modalités de la sortie d’un associé.
L’anticipation des causes de sortie d’un associé (partielle ou totale) passe par la technique des conditions suspensives attachées à la promesse de cession d’actions ou de parts sociales, qui font connaître les événements permettant d’actionner ladite promesse de cession. Elles sont très diverses, selon leurs objectifs (droit de retrait, clause d’exclusion…).
Toutefois, et comme le montre abondamment la jurisprudence, les promesses de cession de droit sociaux, pour être efficaces, doivent prévoir un prix de cession déterminé, ou déterminable (C. civ. art. 1163 et 1591).
A défaut, elles peuvent être annulées pour indétermination du prix.
I. Un prix déterminé
La fixation d’un prix définitif (au sens de « déterminé »), au moment de la promesse de cession de droits sociaux n’est le plus souvent pas recommandé : il empêcherait de tenir compte, le jour de la cession, de l’augmentation ou de la diminution de la valeur des actions ou des parts sociales cédées.
Cet inconvénient est d’autant plus grave que la cession peut n’intervenir, le cas échéant, que longtemps après la conclusion de la promesse de cession, rendant quasiment impossible la prévision de la valeur des droits sociaux qui seront cédés.
Par ailleurs, la fixation d’un prix déterminé devra également faire l’objet d’un examen sur le fondement de la prohibition des clauses léonines.
Enfin, les enjeux fiscaux ne doivent pas non plus être sous-estimés. Par exemple, si la promesse est consentie par une société, l’administration fiscale pourrait essayer de qualifier d’acte anormal de gestion la cession effectuée en vertu d’un prix déterminé à l’avance, s’il se révélait très inférieur à la valeur réelle des droits sociaux cédés à ce moment.
L’entreprise se devrait alors de justifier de manière pertinente ce choix.
Pour autant, la fixation d’un prix déterminé peut parfois être recherchée. A titre illustratif, cela se rencontre parfois dans la négociation d’un management package – c’est le principe des stock-options : une promesse de vente à prix déterminé est consentie au bénéfice d’un dirigeant ou d’un employé d’une société.
II. Un prix déterminable
Plutôt que de prévoir un prix déterminé dans la promesse de cession d’actions ou de parts sociales, il est généralement convenu d’une méthode de détermination future du prix, laquelle sera appliquée le jour où la cession aura lieu.
Cette méthode sera déterminée en amont, pour que lors de la réalisation d’un événement entraînant la cession, le prix de cession en résultant corresponde à la valeur réelle des droits sociaux à cet instant.
Quelle que soit la méthode retenue, de la plus simple à la plus sophistiquée, le principe est que le prix doit pouvoir être fixé sans que son montant puisse dépendre de la volonté d’une des parties, ou bien que les parties aient à se mettre à nouveau d’accord (Cass. Com. 24 mars 1965).
Les critères doivent donc être précis et objectifs : l’étude des clauses admises ou refusées en jurisprudence peut s’avérer nécessaire.
Il peut encore être prudent de prévoir le recours à un expert pour prévenir les contestations résultant de la détermination du prix de cession (C. civ art. 1592 ou 1843-4).
Finalement, compte tenu des enjeux souvent très importants qui y sont attachées, il convient donc d’être très attentif à la rédaction des promesses de vente, et tout spécialement s’agissant de la détermination du prix, pour garantir sa pleine efficacité et ainsi éviter les tracas inhérents à sa remise en cause.
Mais d’autres points de vigilance sont tout aussi importants, comme la détermination de la durée de la promesse au premier chef, et les modalités de son éventuel renouvellement. En effet, en raison de la prohibition des engagements perpétuels, il convient de garder à l’esprit la possibilité de mettre fin unilatéralement à un engagement contractuel, comme l’est une promesse de vente, dans l’hypothèse où sa durée serait indéterminée.
Avocat associé