Ce samedi 14 mars 2020, le gouvernement a annoncé une série de mesures drastiques visant à endiguer la progression du coronavirus , désormais déclarée « pandémie » par l'OMS.
Cette annonce a fait l’effet d’un électrochoc pour les commerçants, laissant place à une angoisse légitime sur les réactions à adopter face à cette mesure de fermeture forcée, risquant d’entraîner à court terme des conséquences dramatiques sur leur trésorerie.
Mais qu’en est t-il vraiment de la portée de ces fermetures massives ? Quelles entreprises sont concernées ? Et quelles mesures mettre en place pour faire face aux difficultés engendrées par ces fermetures forcées ?
Cet article a pour objectif d’apporter des premières réponses à ces questions.
I) Sur le champ d’application de la fermeture administrative
L’arrêté du 14 mars 2020 vise tout d’abord l’ensemble des établissements recevant du public en milieu « couvert », notamment les bars, restaurants, musées et cinémas.
De manière générale, l’arrêté interdit « tout rassemblement, réunion ou activité mettant en présence de manière simultanée plus de 100 personnes en milieu clos ou ouvert », à moins que ces rassemblements ne soient « indispensables à la continuité de la vie de la Nation » (l’appréciation de ce critère étant laissée aux préfets).
Les établissements recevant du public en « milieu ouvert » sont donc également visés (ce qui inclut notamment par exemple les parcs zoologiques).
En revanche, détail important, les activités de vente à emporter et de livraison demeurent pour l’instant permises, ce qui devrait notamment permettre aux restaurants de conserver un chiffre d’affaires minimum.
A ce stade, ces mesures sont prévues pour s’appliquer jusqu’au 15 avril 2020, mais une reconduction de la fermeture n’est bien entendu pas à exclure.
II) Sur les mesures d’aide mises en place et réactions à préconiser
Compte tenu des répercussions potentiellement dramatiques de cette décision, le gouvernement a annoncé un certain nombre de mesures d’aides aux entreprises, dont la portée demeure néanmoins incertaine à ce stade.
1) Sur la « généralisation » du chômage partiel
Dans son communiqué, le gouvernement annonce un maintien de l’emploi grâce au dispositif du chômage partiel.
Le chômage partiel est un dispositif déjà existant réservée aux entreprises contraintes de réduire ou suspendre leur activité en cas de « circonstance de caractère exceptionnel » : pour en bénéficier, l’entreprise doit adresser une demande motivée auprès du préfet .
Le régime du chômage partiel permet ensuite une prise en charge partielle des salaires par l’Etat.
L’annonce du gouvernement devrait donc conduire les préfets à accepter plus généralement les demandes de chômage partiel.
2) Sur les mesures prises pour le paiement des charges sociales et fiscales
Dans son communiqué, le gouvernement annonce que :
- Des délais de paiement d’échéances sociales et/ou fiscales (URSSAF, impôts) seront mis en place,
- Dans les situations les plus difficiles, des remises d’impôts directs pouvant être décidées dans le cadre d’un examen individualisé des demandes.
Au plan pratique, un communiqué commun de la Direction générale des finances publiques et des URSSAF apporte des précisions :
- S’agissant de l’URSSAF, la mesure consiste essentiellement à la possibilité pour les entreprises de décaler tout ou partie de leur échéance du 15 mars 2020 avec un report possible jusqu’à 3 mois sans pénalité : cette possibilité apparaît a priori ouverte de plein droit à toutes les entreprises sans conditions ;
- S’agissant des impôts : la DGFIP indique, de la même manière, qu’il est possible de demander au service des impôts des entreprises le report sans pénalité du règlement de leurs prochaines échéances d’impôts directs (acompte d’impôt sur les sociétés, taxe sur les salaires).
Bien entendu, cette faveur apparaît bien tardive, puisque bon nombre d’entreprises ont d’ores et déjà émis le paiement de l’échéance de mars : une possibilité de modification du paiement est prévue, mais il faut agir vite puisqu’il faudra alors le faire avant le 19 mars à 12H.
3) Sur la gestion des dettes bancaires et dettes fournisseurs
Dans son communiqué, le gouvernement annonce :
- Un soutien de l’Etat et de la Banque de France (médiation du crédit) pour négocier avec sa banque un rééchelonnement des crédits bancaires ;
- La mobilisation de Bpifrance pour garantir des lignes de trésorerie bancaires dont les entreprises pourraient avoir besoin à cause de l’épidémie.
La BPI a d’ores et déjà annoncé un « plan de soutien d’urgence aux entreprises », visant à permettre un soutien financier aux entreprises : il s’agit notamment d’un élargissement de la garantie BPI sur les concours consentis par les banques privées, d’une suspension des échéances bancaires, mais surtout des annonces de concours de trésorerie directs.
Un numéro vert a été mis en place pour répondre aux dirigeants sur les aides auxquelles leur entreprise peut être éligible.
En revanche, à ce stade, aucune disposition ne fait formellement obligation aux établissements de crédit ou aux fournisseurs de consentir à des délais de règlement : il faut donc espérer que les établissements bancaires se montreront compréhensifs, bien que le contexte de l’épidémie devrait pouvoir être considéré comme un cas de force majeure justifiant des retards de paiements.
Par prudence, il est donc recommandé de se rapprocher sans tarder de son interlocuteur bancaire (ou fournisseur), afin de négocier, à l’amiable, des délais de règlement si cela est nécessaire.
Si une situation de blocage se cristallise, il pourrait éventuellement être envisagé, à terme, l’ouverture d’une procédure de conciliation auprès du président du tribunal de commerce, afin d’obtenir l’assistance d’un professionnel pour négocier un rééchelonnement de la dette bancaire et/ou fournisseur .
Cette procédure présente en effet l’avantage d’être confidentielle, et permet en outre de pouvoir contraindre un créancier récalcitrant à consentir des délais de paiement, en saisissant le président du tribunal ayant ouvert la conciliation .
Le cas échéant, une procédure de sauvegarde pourrait également être envisagée : subordonnée à l’absence de cessation des paiements, la sauvegarde permet de « geler » le paiement des dettes antérieures au jugement d’ouverture, et donc de donner de l’oxygène en matière de trésorerie .
Bien que cette procédure soit publique (au sens où les tiers sont informés du jugement d’ouverture), la sauvegarde est néanmoins moins négative en termes d’image qu’un redressement judiciaire, cette dernière étant réservée aux entreprises déjà en cessation des paiements.
Dans les deux cas, à l’issue d’une période d’observation d’un an environ, un plan de règlement des dettes sur 10 ans pourra être obtenu auprès du tribunal de commerce.
Une solution adaptée existe pour chaque situation, mais il ne faut pas tarder pour agir !
Étienne FEILDEL, Avocat
Bernard RINEAU, Avocat Associé